Sixième étape

Du 19 septembre au 6 octobre 2017

De Trabzon à Baku 

Objectif atteint

 

Pour des facilités de liaison aérienne nous atterrissons à Trabzon, ça nous économise quatre ou cinq jours de vélo entre Samsun et Trabzon.

Départ de Bordeaux-Mérignac, vélos dans des cartons, Pierre Pesme vient nous saluer. Le transfert à l'aéroport d'Istanbul se fait au pas de course (...et courir pour Stan, c'est pas son style), entre l'aéroport international et le "domestic", des kilomètres de couloirs et notre vol s'affiche "last call" en rouge clignotant puis fixe. Nous arrivons les derniers à l'embarquement...et Stan repart en courant au sens inverse  récupérer sa casquette qui s'est envolée. Nous aussi on s'envole de justesse. Arrivée de nuit à Trabzon, les taxis ne veulent pas nous prendre avec nos vélos. Premier pédalage de 2 km pour un Un hôtel **** 

Première étape, le 19 sept, jusqu'à Rize. Aucune difficulté, nous longeons la côte par l'autoroute, c'est encore et toujours la route 10. Parti tard, on arrive tôt par la piste de bord de mer, parfois réservée au séchage des noisettes. Bon petit resto, et pas cher. 85km quand-même pour la mise en condition.

Mercredi 20, de Rize à Hopa. 96km.

Pour rester sur la route côtière, nous devons emprunter les tunnels mal ou pas éclairés, poursuivis par les vrombissements des camions. On se sent vulnérables malgré nos vêtements fluo et nos loupiottes de vélo...mais on sort à chaque fois encore vivants de ces terriers !!!

Nous quitterons bientôt la mer Noire, il faut en profiter, un bain de mer s'impose.

Jeudi 21,de Hopa à Kobuleti. 73km. Passage de la frontière à Batumi, la Géorgie. On rencontre un allemand et son vieux bus-motor home, il est perdu, son GPS est en rade. Nous, avec la carte, on a pas ces soucis. Batumi est la grande ville balnéaire, un délire immobilier qui laisse Stan pantois. Plusieurs kilomètres de front de mer sont aménagés à la verticale en buildings futuristes. Mais une ville pittoresque se cache en arrière et nous trouvons un bon restaurant de bord de mer pour le déjeuner. Nous suivons la côte jusqu'à Kobuletti, notre étape.

  

Un peu plus loin, c'est le ravitaillement chez les vendeurs de mandarines. On discute, on jongle avec les mandarines et on négocie une superbe Gaz, état collection, à 4000$....mais on repart en vélo! Après avoir longé la mer Noire depuis le Bosphore, nous la quittons à Ureki, mais avant nous profitons de la superbe plage et d'une mer chaude. Déjeuner de poisson évidemment et nous quittons les grandes routes pour une belle petite route défoncée (contrairement à nous), campagne de pâturages, villages endormis...C'est beau ! Mais pas d'hébergement sur cette portion, nous ferons un détour vers la ville de Samtredia pour notre étape du soir. 82km, presque entièrement dans l'après-midi.

Vendredi 22. Kobuletti est une jolie ville balnéaire qui s'étend le long d'une plage. Le matin nous farnientons en prenant le temps d'un petit déjeuner en terrasse au bord de plage, en observant les premiers baigneurs, des baigneurs seniors. Roulette tranquille en longeant ces plages et sur le site d'un hôtel à l'abandon, apparition d'un cheval monumental d'inspiration de la culture antique Troyenne. Stan toujours volontaire pour les acrobaties ne résiste pas à lui monter sur la croupe.

Quelques heures de détente et baignade avant de quitter définitivement la mer Noire. Une route tranquille dans une belle campagne nous amène à Samtrebia. On a farnienté et quand-même avancé de 82 km. 

Samedi 23, Le plus difficile tronçon, sur une route de montagne qui est un passage entre le haut Caucase et le bas Caucase. Nous suivons une vallée verdoyante, avec restaurant au bord de la rivière et notre table dans un abri sur pilotis. Plus loin nous sommes intrigués par un groupe de chinois devant des bâtiments neufs; coucou les chinois ....mais pas trop bavards, ils se méfient les colonisateurs. Encore plus loin, nous avançons vers un tunnel et le pseudo gardien nous fait des grands signes, ça signifie "niet". Puis quand il comprend que nous sommes français, il nous laisse passer, mais il nous fait comprendre que les Turcs il ne les laisse pas passer ! On vient d'éviter un grand détour par l'ancienne route de la montagne. Nous avons aussi évité un raidillon en faisant du stop motoculteur, vélos et bonhommes dans la remorque et accueil triomphal au sommet de la côte par des gaillards. Rencontre d'un cycliste Turc (on ne sait pas s'il a pu négocier le passage du tunnel) qui s'accroche à nous et nous quitte pour aller camper. Les rencontres de cyclo-touristes sont rares. Arrivée au soleil couchant à Zestaponi, impossible de trouver un hôtel, on traverse la rivière Kvirila pour avoir une chambre dans un hôtel composé de petites maisons, la tenancière est bavarde sans qu'on puisse la comprendre et irritante. Mais notre journée de 94km impose le repos.

Dimanche 24, de Zestaponi à Khashuri, 66km. Ce n'est que notre cinquième jour, donc pas de repos dominical. Nous poursuivons dans de verdoyants paysages, nous sommes sur une "route du vin". La route est vallonnée, les maisons des villages sont souvent en tôles (ou en doublage de tôles?), mais très bien construites, la distribution du gaz est faite par des tuyaux aériens qui serpentent le long des rues et des maisons...étonnant ! Nous passons Surami et ses marchandes de galettes pour nous arrêter quelques km plus loin à Khashuri, ville d'aspect post soviétique avec de larges artères et peu de circulation. L'hôtel est très classe, tout neuf, on y croise un français en mission...pour Stan c'est un "agent français". Pour nous c'est jour de lessive avec séchage bleu, blanc, rouge.

Lundi 25. La route est tranquille, nous traversons une belle campagne. Visite extérieure de cette église qui est fermée, on craint le vol aussi dans ces villages ! Déjeuner pique nique dans l'abris bus à l'ombre, les tomates et le pain ont été offerts par l'épicière, voilà l'hospitalité. Après la sieste nous nous remettons en selle vers Gori.    

De loin on aperçoit un château fortifié sur sa hauteur, j'y grimpe, c'est un monastère. Donc pas de visite pour ne pas troubler les nonnes, mais on me laisse rentrer dans la chapelle aux murs couverts d'icônes. Enfin, arrivée à Gori, la ville du petit père des peuples. c'est (encore) touristique, musée Staline, wagon de Staline, monuments divers dont sa maison natale enchâssée dans un monument...le mausolée de la maison !! 

Peu d'hôtels et complets, mais le garçon débrouillard de la terrasse du bar dont j'ai oublié le nom nous dégote une guest house dans les vieux quartiers. Excellent dîner, mais cher; il faut relativiser 50 Gel pour deux = 12€ !! La coutume des restaurants à alcôve se confirme, La plupart des tables sont dans des box individuels à l'abri du regard. Nous préférons les tables à la vue, on a pas honte de boire du vin géorgien.

Etape de 66 km, c'était une belle ballade.  

Mardi 26, relâche, c'est jour de repos après sept jours à circuler. Visite du musée Staline; rien sur Trotsky, rien sur les déportations...tout est à l'honneur du petit père des peuples ! Help, taxi, pour aller au site troglodytique de Uplistsikhe. Taxi fou, à fond avec sa vieille caisse sur les routes défoncées et parfois encombrées. Ce site inscrit au patrimoine mondial par l'UNESCO est l'un des plus anciens du Caucase, avec un développement du début du premier millénaire avant JC jusqu'à 337 après JC, date de la conversion de la Géorgie au christianisme.

Vues du site troglodytique de Uplistsikhe

Mercredi 27, la route nous reprend ou on reprend la route. Paysages des plateaux du Caucase, assez désertifiés, couverts d'une herbe sèche ces grands espaces sont propices à l'élevage en liberté, on aperçoit de loin en loin des troupeaux menés par des cowboys géorgiens. Nous roulons tranquillement, vent de face, les montées ne sont pas difficiles, on s'imprègne de ces vastes paysages. En s'approchant de Tbilissi, on suit une vallée verdoyante de la Kur où nous rencontrons un groupe cycliste de français, canadien et coréen, on les recroisera à Tbilissi. Détour à Mtskheta (ça s'écrit, ça se prononce pas !) et son enclos religieux avec la cathédrale de Svetitskhoveli du XIème siècle et c'est le plus important monument de l'architecture géorgienne ...tout ça c'est du label UNESCO ! Ce site est très visité, surveillé par des popes, on ne rentre pas en short mais enveloppé d'un grand tablier noir, respect et tradition obligent. Mais avant cela nous avons rencontré un charmant couple anglais qui fait route vers l'Australie, très chargés parcequ'autonomes, avec des super machines : cycles Thorm Nomade. Ils ont la gentillesse de nous les faire essayer.

Arrivée à Tbilissi sous la pluie et les embouteillages, une dizaine de km de banlieue à traverser, après c'est la vieille ville où on se perd. Impossible de trouver notre guest house "Indie Mindi", indications fantaisistes, la rue qui glisse, l'eau qui dégouline...heureusement Charlie vient à notre rencontre. Accueil chaleureux, enfin au sec ! Super resto dans une cave ! Repos de cette étape de 89km.

Jeudi 28, jour de visite de la capitale géorgienne. Vieux quartiers en bas, la forteresse Narikala et la statue gigantesque Kartlis Deda (la mère de la Géorgie) dominent la ville. Un téléphérique relie la ville basse et les sites élevés. La vieille ville a été en partie restaurée, le reste semble à l'abandon, des rues entières d'immeubles fissurés, les tremblements de terre fréquents et le manque d'entretien ont sérieusement dégradés ces belles bâtisses qui ne tiennent plus que par des étais métalliques. Massage Thaï pour la remise en forme, églises, synagogue, métro, dodo. 

Vues de Tbilissi, en partie rénové et en partie à l'abandon

Vendredi 29, le temps s'est dégradé, assez froid et pluvieux. C'est encore un paysage de hauts plateaux. On s'arrête dans un petit resto juste avant la frontière de Red Bridge pour se réchauffer d'une bonne omelette. Passage de la frontière assez rapide, il pleut, on hésite, le prochain hôtel est à perpette alors qu'il y a un bon hôtel à la frontière. Stop ici, après seulement 65km.

Premiers symptômes de boutons mystérieux qui me colonisent.

Samedi 30, on roule en Azebaïdjan, le dernier pays à traverser pour atteindre la mer Caspienne. Temps encore pluvieux, mais dans nos têtes le soleil brille ! Nous sommes étonnés de ne pas voir de mosquées, encore moins de minarets, comme en Turquie où les minarets se dressaient dans le moindre village. Plus tard un autochtone nous dira que nous sommes au pays des "muslim vodka"...un reste de l'empreinte soviétique ! Escale obligatoire à Tovuz où j'avais réservé un hôtel. C'est le luxe, hamam, sauna, piscine intérieure en mosaïques, mais peu de clients. Au resto de l'hôtel Stan invite expressément à notre table Frédérico, un ingénieur français de la BP. On constatera ensuite que dans ce pays c'est le monde du pétrole qui domine. Etape de 73 km.    

Dimanche 1er octobre. On fait un détour vers le fleuve Kur, ce fleuve que nous suivons de près ou de loin depuis Khashuri en Géorgie. En fait selon la carte on pensait faire une boucle pour rejoindre Gäncä...mais la carte est fausse, la route part vers le nord après un barrage sur le fleuve. Demi tour, mais le soleil brille à nouveau et ce détour nous a permis de voir une forteresse non indiquée sur les cartes. Nous déjeunons dans une gargote, petit poêle à bois, théières, femmes à la cuisine. Gäncä, la deuxième plus importante ville du pays, les bâtiments sont somptueux, l'hôtel est classe, tapis rouge pour les vélos! On s'aperçoit que l'argent va aux villes, ce sera confirmé à Baku, mais les villages semblent figés. On peut boire une bière, mais caché des regards des croyants, dans les restaurants une pièce à part est prévue pour ça; hypocrisie! On se rapproche du but, encore 116 km de plus.

Lundi 2, route de pluie jusqu'à Yevlax, 71 km.

Pluie battante, vent debout, mais on ne louvoie pas, on va droit devant, deux hommes jaunes fluo sur leurs bécanes. Morne campagne, routes rectilignes dans un paysage plat de steppes. Voila le décor! Les villages sont sans attrait, hormis les toitures originales en zing ouvragé, aucun minaret dans ce pays totalement musulman. Le seul hôtel nous refuse, tout est réservé par la BP. On est sauvé par Elchin (BP aussi) qui embarque nos montures dans son pic up et nous trouve une chambre dans un motel où on se retrouve avec des routiers russes. On ne peut pas se comprendre, mais on échange en montrant des photos et en partageant le peu qu'il y avait à manger.

Mardi 3, encore un jour de pluie. Arrivés à Ucar on décide de prendre le train, notre route longe la voie ferrée depuis Gäncä, ça donne des envies par ce temps. On est guidé par des jeunes pour trouver la gare, grande et vide, on fait réveiller le chef de gare....mais le prochain train sera à 1heure dans la nuit. C'était pas une bonne idée! Une pose kébab pour faire le point, et on opte pour le taxi. Les vélos ficelés sur le toit du taxi Lada et en route pour Kürdamir. Soirée arrosée au motel de "papa Freedom" le roi du pétrole de Kürdamir, propriétaire du motel et patron local de la BP. On vide des vodka et papa Freedom nous raconte comment son fils a été éliminé de "the voice" à cause des arméniens du jury. Conflit ethnique, beuverie à la soviétique, tradition et aspiration au modernisme...tout y est. Il est tard dans la nuit, on va se coucher avant qu'il ouvre une troisième bouteille. On a pas beaucoup pédalé, mais je suis fatigué! 54 km en vélo plus 45 en taxi.

Mercredi 4 : la pluie persiste, ce sera un jour de route au sec, en taxi. Pepe Freedom ne demande pas, il commande, le taxi nous emmène jusqu'à Sirvan, à 50 km. Le bel hôtel sur la grande route est complet, on se fait conduire à un hôtel en travaux, perdu en limite de la ville, on y arrive par un chemin de boue.

Notre voisin de chambre, un peut-être mèdecin (urgentiste à la BP..toujours la BP) me conduit chez le "skin doctor", ma peau est attaquée. Depuis Tbilissi, ça empire, je suis couvert de plaques rouges qui m'irritent et me donnent envie d'arracher ma peau. Le cabinet du spécialiste est lugubre, une pièce vide et grise, une table, quelques chaises, une étagère avec des grimoires. Il me diagnostique des puces de lit qui ont dû me coloniser à Tbilissi et qui font du cyclo-tourisme en s'accrochant à ma carcasse.  

Jeudi 5, enfin une journée ensoleillée!

Objectif atteint : LA MER CASPIENNE.

On roule le long des golfes...pas très clairs. Cette mer est un champ pétrolifère, des derricks partout en mer et sur la côte, il n'y a pas de plage, le littoral est entièrement industrialisé. C'est le domaine de la SOCAR, la Sté d'exploitation du pétrole. On dîne au restaurant SOCAR, on dort à l'hôtel SOCAR, on respire SOCAR!

La nuit tombe, la circulation s'intensifie, on s'arrête quelques dizaines de km avant Bakou, après une étape de 112 km.

Vendredi 6 : arrivée à Bakou, le final. Derniers tours de pédalier et détours dans Bakou, 70km.

Bakou ou Baku en écriture locale ou Baki en Azéri. Ville de 4 millions d'habitants, en gros la moitié de la population du pays, en plein essor avec l'argent du pétrole. En arrivant sur un promontoire, de l'esplanade d'une mosquée on découvre la ville construite sur une baie. Une vieille ville dans ses remparts, des immeubles futuristes, un dépôt d'hydrocarbures en pleine ville et en bord de mer. Nous rentrons dans Bakou par une vaste promenade du littoral. Il n'y a pas de plage, tout est bétonné. On rate la vieille ville, demi tour vers les vieux quartiers vers un hôtel très confortable et accueillant. Soirée avec un étudiant qui nous amène "au château", pas de chance le Jazz se termine. 

Samedi 7 : tourisme à Bakou. Musée de la littérature, tour de la vierge, caravansérail, remparts. La ville est propre, des rues piétonnes, des squares, c'est parfaitement entretenu...comme dans toutes les villes opulentes. Taxis londoniens, comme les black cabs et dans la vieille ville un superbe taxi jaune Volga.

Fin du voyage, le soir "route de la mort" pour aller à l'aéroport . On a fait le mauvais choix en décidant de gagner l'aéroport en vélo, la circulation est dense et on se sent vulnérables sur ces grandes routes. Mais le Dieu des baroudeurs est avec nous, ça a bien commencé et ça finit bien! 

Au total 6560 km, en 7 grandes étapes, de juin 2013 à octobre 2017, en 88 jours dont 75 jours de vélo et 13 jours de repos-visite. Moyenne de 87km par jour. Parti en solitaire, mon copain Stan a rejoint son "tonton" pour les deux dernières étapes de Istanbul à Bakou. A deux on est plus fort !! Et à deux, on pourrait repartir sur un nouvel objectif....à voir.

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